Négociations conventionnelles : le compte n’y est pas !

La Caisse nationale d’Assurance Maladie a présenté ses propositions aux médecins ce jeudi 8 février. Principaux points : Consultation du médecin généraliste à 30 euros « sous conditions » d’économies par ailleurs, ROSP et forfaits structures simplifiés, et inclus dans un Forfait Médecin Traitant difficile à estimer, cumul de quelques actes réservés à certains spécialistes et revalorisation des consultations de pédiatrie en excluant les généralistes (qui réalisent plus de 80 % des suivis).

Médecins pour Demain est évidemment très déçu de ces annonces, puisque nous demandions une revalorisation importante de nos honoraires pour faire face à l’inflation d’une part, et permettre un investissement dans notre outil de travail d’autre part. Nous sommes face à une CNAM qui propose simplement une remise à niveau de l’inflation. Il n’est question d’aucune revalorisation, bien au contraire, car celle-ci sera déjà gommée en fin d’année. La CNAM n’a donc pas les moyens de créer le choc d’attractivité qu’elle revendique. Nous espérons qu’un arbitrage ministériel rapide pourra redonner des perspectives aux acteurs conventionnels.

Depuis dix-huit mois, Médecins Pour Demain défend une convention JUSTE et ÉQUILIBRÉE : pour les patients et les médecins. Mais force est de constater que ce qui est proposé est indigne et ne fera que dégrader plus rapidement nos conditions de travail.

Les médecins ont proposé, ont fait grève, ont manifesté, mènent encore aujourd’hui des actions de désobéissance tarifaire, soutenues par leurs patients. Nous sommes malheureusement devant un mur. Le bulldozer continue son chemin sans s’arrêter, au mépris du terrain, comme dans les autres domaines aujourd’hui en santé. Une preuve de plus, s’il en est, Frédéric VALLETOUX, ayant provoqué une opposition sans précédent des médecins libéraux l’an dernier, a été nommé ce jour même Ministre délégué chargé de la santé ! Un affront de plus à la médecine libérale, en pleine négociation conventionnelles ! Il n’en fallait pas moins pour que le gouvernement nous montre son dédain envers les médecins et son système de santé actuel !

Devant ces constats, nous n’avons d’autres choix que d’appeler nos confrères à sortir collectivement du système conventionnel tant que l’Etat ne souhaitera pas le financer et montrer un intérêt pour la santé des Français. Nous appelons donc tous nos confrères à déposer leur lettre de d’intention déconventionnement sur deconventionnement.fr ou à s’organiser dès à présent par bassin de vie pour initier des déconventionnements collectifs locaux coordonnés.

Voilà 18 mois que nous alertons. Cette médecine à 2 vitesses, contre laquelle nous nous battons, arrive. Malgré tout, la financiarisation et l’uberisation gagnent du terrain. L’Etat préfère financer des cabines de téléconsultations que la médecine de proximité. Les médecins libéraux ne disparaitront pas parce que l’Etat n’assume plus le financement de la protection sociale : au contraire, ils continueront de s’investir pour ses soins de proximités de qualité, aux cotés de nos paramédicaux de villes également méprisés.

Enfin, il semblerait qu’Emmanuel Macron et le gouvernement soient attachés à ce que les JO se passent dans de bonnes conditions. Il en fait sa priorité, plutôt que d’investir dans la santé (entre autres !) de ces citoyens. Montrons-leur ce que sont des JO sans médecin. Pendant les trois semaines de JO, fermez vos cabinets.

Nous ne reviendrons pas sur ces 2 décisions, à moins d’une réouverture de l’enveloppe actant un acte minimal garanti à 35 euros minimum , ajustés sur l’inflation et un cumul des actes accessibles à TOUTES les spécialités y compris la médecine générale.

Négociations conventionnelles : épisode 1

Voilà, les négociations conventionnelles viennent de reprendre.

Paris, le 16/11/2023

En lisant la lettre de cadrage du Ministre de la Santé, Aurélien ROUSSEAU, nous nous en doutions. Les doutes sont levés.

La volonté de revalorisation de la CNAM se fera probablement sous conditions. Cette fois-ci ce n’est pas l’engagement territorial qui est mis en avant, mais la pertinence de nos prescriptions !

Oui, vous avez bien lu… la pertinence de nos prescriptions ! Cela nous rappelle d’ailleurs étrangement les Mises Sous Objectifs (MSO) subies par de très nombreux confrères, et nous fait entrevoir un encadrement encore plus strict de nos actes.

Il nous a paru utile de rappeler à Monsieur FATOME, que cette convention doit se faire dans un cadre déontologique. Car c’est la déontologie médicale qui régit nos activités, la CNAM ne pouvant faire fi de ce règlement. Ce code inscrit dans la loi, est un pilier de la médecine.

La plupart des syndicats, ont convenu que ce qui faisait la particularité de notre métier était justement la singularité de nos patients. C’est ce qui fait notre art : savoir adapter une prise en charge possiblement protocolisée, à chaque patient. C’est ce qui différencie l’IA du médecin. C’est ce qui nous rend humain. La médecine a besoin d’humain. La CNAM semble vouloir s’en affranchir.

L’avenir de la médecine se joue ici et maintenant. Investir dans le soin de proximité est une nécessité, comme le répète inlassablement l’OMS, sous peine de voir notre système de santé s’écrouler totalement. Il s’agit de faire entendre notre voix !

Vidéo de sortie de négociations le 15 novembre 2023 : avec les docteurs Mélanie RICA-HENRY, Ephrem MENAGER et Pierre-Louis HELIAS :

Le Gouvernement sacrifie les vies des Français sur l’autel de l’équilibre budgétaire

Le PLFSS pour 2024, soutenu par 49.3, poursuit l’austérité de la politique de santé qui a abouti à l’état de délabrement actuel de notre système de soins. En faisant le choix de privilégier la santé des comptes publics sur celle des Français, le gouvernement risque de perdre sur les deux tableaux en induisant une nouvelle crise sanitaire.

Paris, le 31 octobre 2023

Pour la première fois de son histoire, le vendredi 20 octobre, la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale a rejeté ensemble le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) et son objectif national de dépenses de l’Assurance Maladie (ONDAM). En usant par deux fois en une semaine de l’article 49.3 de la Constitution, le Gouvernement vient de faire savoir à la représentation nationale que cet ONDAM à 3,2% n’était pas négociable. Mais, par la teneur de ce PLFSS, le gouvernement, qui prétend avoir une démarche de « responsabilité » relative à l’équilibre des comptes publics, prend surtout une lourde responsabilité à l’égard de la santé des Français.

Tout d’abord parce qu’il a estimé, contre l’avis de nombreuses administrations concernées, un ONDAM qui reste, en pleine inflation, dans la moyenne des précédents depuis plusieurs décennies : cette contrainte purement comptable, sourde aux besoins réels et croissants de soins des Français, a déjà montré, dans une suite d’autres mesures d’austérité (numerus clausus, lois constitutionnelle et organiques de financement de la sécurité sociale, HPST, loi de modernisation du système de santé, loi Santé 2022, etc.) son effet délétère sur notre système de soins. L’hôpital s’effondre ; la France est un désert médical ; mais l’Etat continue obstinément son cap littéralement mortifère.

Mais cette responsabilité gouvernementale est aggravée par des articles du PLFSS qui, avec le même argument d’économie, vont avoir des conséquences délétères en matière de santé publique. Ainsi de cette obsession suspecte des arrêts de travail, dont les prescripteurs sont l’objet d’une campagne de contrôle, alors même que leur augmentation généralisée, donc systémique, est due en premier lieu à des managements pathogènes, puis à la pénurie de soignants elle-même qui allonge les délais de prises en charge spécialisées. Avec l’article 27 du PLFSS, le patient pourra voir ses indemnités journalières coupées instantanément sans avoir le temps de demander un recours, dès que le médecin contrôleur mandaté par l’employeur aura estimé injustifié ou excessif l’arrêt de travail prescrit par le médecin traitant connaissant le malade. On peut imaginer les conséquences : dans le cas de troubles anxio-dépressifs « psycho-sociaux », l’arrêt de travail est souvent la seule protection de l’employé avant une déclaration d’inaptitude, et la principale prévention de son suicide. Rappelons-nous de l’hécatombe à France Telecom il y a 15 ans.

Même si elle est déjà sensible, on ne peut encore prédire le niveau de la surmortalité qu’induira cette carence de moyens, par retards de diagnostics et de traitements, par défaillances des urgences, mais ces morts évitables seront certainement vécues plus scandaleusement par les Français que celles du COVID. Alors que la gabegie de la gestion de notre système sanitaire par une sur-administration est dénoncée régulièrement par la Cour des Comptes, ce gouvernement sera plus coupable que ses prédécesseurs de ces décès par défaut d’investissements adaptés aux besoins de soins des Français, parce qu’il l’aura décidé en pleine connaissance de ses effets désastreux sur leur santé.