Question pratique : grève et réquisition / assignation

Cet article a été fortement inspiré par Richard Talbot, qui a écrit un article pour la FMF : ici

Vous faites la grève le 1er décembre :

1. Vous êtes libéral :

Vous faites ce que vous voulez.
Pas de déclaration, pas de préavis.
C’est ça être libéral.

Attention si vous êtes employeur, vous ne pouvez pas imposer de congés à vos employés, il faut les payer quand même.

Concernant la PDSA ou les gardes en général : Si vous souhaitez faire la grève de la permanence des soins il faut prévenir en amont : (et vous risquez fort d’être réquisitionnés : il ne reste plus qu’à travailler avec un brassard. Ou éviter la réquisition, nous y reviendrons après.)

  • Courrier AR à l’ARS
  • Courrier AR au conseil de l’ordre départemental
  • Courrier AR au médecin coordinateur du tableau de gardes du secteur

Courrier type : « Conformément à l’appel à la grève lancé par « Médecins pour demain », je vous notifie, par la présente, que je serai en grève des gardes de mon secteur pour les soirs, (weekends et jours fériés) à compter du —– et pour une durée de —- (« illimitée » si pas de date de fin).

Dr X,  RPPS : 10…  Date »

2. Vous êtes salarié :

Dans le privé, le préavis n’est pas obligatoire, mais il faut être au moins 2 pour faire grève. Sauf si vous êtes le seul salarié.

Démarches pour le droit de grève du salarié secteur privé

3. Dans la fonction publique hospitalière :

Il faut un préavis parvenu au moins 5 jours avant, déposé par un syndicat REPRÉSENTATIF du secteur au niveau national. Donc pas les syndicats de libéraux. Il faut également se déclarer gréviste à la direction.

Démarches pour le droit de grève d’un salarié hospitalier

4. Et les internes ?

Statut à part. Les mieux est de considérer qu’ils font partie de la FPH par assimilation et de demander à l’ISNI ou à l’ISNAR (syndicat des internes) de déposer dans les temps un préavis.

Les réquisitions et assignations

1. Pour les libéraux

La notion de grève n’existe pas, puisqu’ils ne sont pas salariés et qu’il n’y a pas (en théorie) de lien de subordination entre le ministère, les préfets, les caisses et les libéraux.
Un médecin libéral peut donc tout-à-fait décider de fermer un, deux, dix ou trente jours.

Le souci est la participation à la PDSA qui est une mission de service public inscrite au code de déontologie.
En cas de carence de PDSA, le préfet (et seulement lui) peut réquisitionner un médecin libéral sur demande de l’ARS et proposition du CDOM (qui fournit les listes des réquisitionnables), théoriquement uniquement en cas de trouble grave à l’ordre public ou de risque grave pour la santé publique. (exemple : réquisition pour vacciner en cas de pandémie…)

Pour être valable, une réquisition doit être :

  • écrite (pas de téléphone)
  • nominative (pas de réquisition des « médecins d’une ville, d’un canton ou d’un département »)
  • détailler les horaires, le lieu, les missions, et le matériel requis (en théorie par exemple, pour une mission d’effecteur mobile, si le véhicule n’est pas mentionné, on peut faire la bête et demander à être véhiculé)
  • remise en main propre. Donc pas de mail, de fax ou de SMS.

Les modalités légales sont soit huissier, soit OPJ, soit lettre recommandée avec AR.
Attention il ne suffit pas dans ce dernier cas de ne pas aller chercher la LRAR à la poste. En effet, même dans ce cas, au bout de 15 jours, elle est réputée remise.

Pour échapper à une réquisition, il faut donc jouer à cache-cache avec les gendarmes (difficile quand ils se pointent en salle d’attente, mais on n’est pas obligé d’ouvrir à son domicile), ou ne se déclarer en « grève de PDSA » que moins de 15 jours avant sa garde et ne pas aller chercher les LRAR avant 2 semaines.
En théorie, le CDOM doit fournir la liste de TOUS les médecins susceptibles légalement d’être réquisitionnés. En pratique c’est souvent soit le médecin initialement prévu pour la garde ou la liste des non volontaires pour la PDSA, et ce point peut alors être susceptible d’être un motif valable d’annulation de la réquisition (cf dernier paragraphe).

2. Pour les salariés

Le droit de grève est un droit constitutionnel inaliénable. Il existe aussi la notion de continuité du service public.
Il est extrêmement rare de réquisitionner les salariés, mais le directeur d’établissement a le droit d’assigner des salariés à leur service normal pour assurer un « service minimum ». Le service minimum est souvent difficile à déterminer, mais ce n’est en aucun cas le service « normal » avec la totalité des effectifs. Par exemple il n’est pas possible d’assigner un médecin à faire des consultations externes en dehors des services d’urgence.

Les assignations doivent, comme les réquisitions, être nominatives, détailler la mission, et remises en main propre.
Le directeur d’établissement doit avant d’assigner, recenser les personnels grévistes et non grévistes et assigner en priorité les non-grévistes (quel que soit leur grade) avant les grévistes.

3. Les internes

Les internes sont des étudiants en formation. A ce titre, le caractère obligatoire de leur présence pour le bon fonctionnement du service n’a théoriquement pas à être retenu.

La circulaire Bouquet du 12 mars 1997 adressée aux directeurs des hôpitaux conclut : « (…) Sa participation à l’activité hospitalière ne pouvant pas être considérée comme indispensable à la continuité des soins (…) Il m’apparaît au vu tant de la réglementation que de la jurisprudence que les internes ne doivent en règle générale pas être assignés au maintien du service, ou alors uniquement en dernier recours lorsqu’il a été fait appel à tous les autres personnels hospitaliers de l’établissement (…). »

En pratique: le directeur doit assigner successivement les praticiens temps plein tenus à un service de garde et dans la limite de leurs obligations de service (titulaires [praticiens hospitaliers, universitaires ou non] et attachés temps plein), puis les non grévistes, puis en dernier recours les grévistes.

Les MSU n’ont évidemment pas le pouvoir d’assigner leurs internes dès lors que ceux-ci ont déclaré être grévistes dans le délai légal de 5 jours.

Attaquer une réquisition ou une assignation

C’est évidemment possible, mais en pratique jamais avant la réquisition ou l’assignation (les tribunaux refusent systématiquement les actions en référé).
Il faut donc l’effectuer, puis, si on estime qu’elle est abusive, l’attaquer au tribunal judiciaire ou administratif. Avec de bonnes chances de gagner si les prérequis n’ont pas été respectés.

Autres sources :

https://www.ufml-syndicat.org/les-requisitions-administratives-de-medecins-liberaux/

https://www.csmf.org/requisition-administrative-csmf/

Sur Facebook, pour les internes : Captain Interna